Langage inclusif dans l'espace public, vieux stéréotypes, nouveaux imaginaires :
une newsletter pour cultiver son esprit critique en décryptant les mots qui nous entourent.
Comment continuer à parler d'inclusion alors que le Rassemblement national est aux portes du pouvoir ? En vous aidant à débusquer les discours réactionnaires. En bonus, un plot twist final : quand on parle de la langue, et si c'était moi la réac ?
Tout ce temps passé à militer, je ne l’ai pas passé à trouver des idées pour cette newsletter. Comme je suis une écolo du contenu, dans un cas comme celui-là, je recycle. En l’occurrence je vous (re)partage un article que j’ai écrit en juillet 2021 et dont le sujet me semble plus que jamais d’actualité. Puisqu’après tout, mon objectif est de vous encourager à cultiver votre esprit critique sur les mots, vous outiller pour débusquer la rhétorique réactionnaire dans l’espace public et médiatique, ça marche aussi, surtout en ce moment (d’ailleurs, je vous recommande très vivement cette vidéo de Blast “Législatives : chaos politique et fiasco médiatique”pour y voir plus clair). Alors débusquons les discours réactionnaires partout où ils sont, en partant de l’exemple très concret du “débat” sur le langage inclusif.
Être contre l’écriture inclusive est-il réactionnaire ?
J’ai découvert un livre qui est apparemment un classique de la sociologie politique : Deux siècles de rhétorique réactionnaire de Albert O. Hirschman. C’est un ouvrage paru en 1991 dans lequel l’auteur, économiste et sociologue, s’appuie sur trois moments-clés dans l’acquisition des droits civils (les droits de l’homme au 18e, que je préfère évidemment appeler les droits humains aujourd’hui), politiques (le suffrage universel au 19e qui, rappelons-le, était universel mais sans les femmes) et économiques et sociaux (l’état-providence du 20e siècle) pour démontrer comment les positions des réactionnaires, des “contre-offensives idéologiques d’une force extraordinaire”, s’articulent autour de 3 types d’arguments immuables qu’il appelle la “rhétorique réactionnaire”.
J’ai été frappée par le parfait calque avec les arguments des opposant·es au langage inclusif, et surtout ce à quoi le débat public et médiatique le réduit aujourd’hui, c’est-à-dire l’écriture inclusive et encore plus spécifiquement le point médian. D’ailleurs, j’ai appris plus tard (merci Wikipédia) que “les chercheuses féministes font souvent appel à la description de la rhétorique réactionnaire proposée par Albert Hirschman pour rendre compte des formes prises par des discours sexistes” et je me suis donc dis que je ne m’étais pas complètement trompée.
Les 3 types d’arguments mis en avant sont la thèse de l’effet pervers, la thèse de l’inanité, la thèse de la mise en péril (perversity, futility, jeopardy dans la version originale).
L’effet pervers ou quand l’écriture inclusive deviendrait excluante
La thèse de l’effet pervers consiste à dire que “toute action qui vise directement à améliorer un aspect quelconque de l’ordre politique, social ou économique ne sert qu’à aggraver la situation que l’on cherche à corriger”.