re·wor·l·ding

Langage inclusif dans l'espace public, vieux stéréotypes, nouveaux imaginaires : une newsletter pour cultiver son esprit critique en décryptant les mots qui nous entourent.

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Par Alicia Birr
17 déc. · 5 mn à lire
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le piège du Noël joyeux

Je suis obsédée par la joie en ce moment. Cette semaine je vous encourage à revisiter cette phrase d'apparence anodine, "Joyeux Noël", une injonction à la joie qui invisibilise celles et ceux qui ne célèbrent pas cette fête. Bonus : des idées cadeaux trop cool se cachent dans cette newsletter. See you in 2025 !

Cette newsletter est le (re)partage de l’article Pourquoi je ne dis pas (systématiquement) : Joyeux Noël publié sur le site de re·wor·l·ding le 24 décembre 2021. L’image qui l’illustre est empruntée au compte officiel X de la régie des transports publics de Bruxelles, le STIB : quitte à souhaiter Joyeux Noël à ses usager·es, autant le faire avec kitsch.

J’adore l’esprit de Noël : j’écoute Mariah Carey dès le 28 novembre, je fais moi-même ma couronne de porte, mon sapin de Noël est grand et décoré en rouge et doré. Il y a pas mal de mes origines allemandes là-dedans et la volonté, aussi, de créer des rituels familiaux qui viennent ponctuer chaque week-end de décembre. Même si Noël est une fête religieuse, je la célèbre sans aucune intention de religiosité n’étant moi-même pas croyante.

Cela dit, ma passion pour le langage m’a poussée à m’interroger sur l’expression qui vient ponctuer cette période de fin d’année et que je balançais auparavant fièrement et sans y penser, le cœur plein de bonnes intentions : Joyeux Noël. Car en réalité, cette expression n’est pas très inclusive. Pourquoi ?

Tout le monde ne fête pas Noël

Cela peut paraître évident, mais il est bon de le rappeler surtout dans un pays comme la France, un pays laïc mais de tradition catholique où la plupart des jours fériés sont liés à des fêtes religieuses catholiques, où la quasi totalité des édifices religieux sont des lieux de culte catholique et où il n’est pas rare de voir des croix au sommet des montagnes [et où les calendriers de l’Avent "issus du calendrier liturgique", mais qui "sont devenus des objets sociétaux et pédagogiques", ont presque fait polémique en 2024] .

En France, célébrer Noël sur un mode catholique, c’est-à-dire la naissance de Jésus le 25 décembre, est le mode de penser par défaut. Si pour les 48% de Français·es qui se déclarent lié·es à la religion catholique (ce qui est différent de pratiquant cette religion – c’est ici un rapport plus social que religieux), il y a peut-être une portée religieuse à cette célébration, la dimension commerciale de Noël en fait aujourd’hui un évènement plus culturel que cultuel que de nombreuses personnes non religieuses célèbrent (comme moi). Difficile d’y résister quand à partir de mi-novembre, que l’on soit croyant·e ou non, on est exposé·e de manière constante à l’ambiance de Noël et ses messages.

Mais le catholicisme est loin d’être la seule religion présente en France : s’il est interdit par la loi française de recenser les personnes sur la base de leur religion, l’Observatoire de la laïcité a publié en 2019 un sondage montrant qu’au moins 8% des personnes vivant en France se sentaient liées à une religion ne célébrant pas Noël (et ce chiffre sous-estime certainement la réalité).
Les orthodoxes peuvent célébrer Noël mais certain·es le fêtent en janvier car leur calendrier n’est pas le même, la religion juive ne fête pas Noël mais Hanukkah au mois de décembre (et pas le 25), et les personnes musulmanes n’ont pas d’équivalent de Noël.

La Commission européenne l’a rappelé dans son guide pour une communication inclusive destiné à donner à ses fonctionnaires des recommandations (et non des obligations, contrairement à ce que les polémistes ont voulu faire croire) pour s’adresser à toutes les Européennes et tous les Européens en tenant compte de leurs diversités, y compris la diversité de culte : partir du principe que tout le monde est chrétien en Europe (et a fortiori en France) est tout simplement faux. Il ne s’agit pas de renier les traditions et l’héritage catholique de la France ou d’empêcher qui que soit de fêter Noël mais simplement de reconnaître qu’il y a d’autres pratiques, d’autres cultes.

Evitez de partir du principe que tout le monde est chrétien. Tout le monde ne célèbre pas les fêtes chrétiennes et toutes les fêtes chrétiennes ne sont pas célébrées le même jour. Soyez sensibles au fait que les gens ont différentes traditions religieuses et différents calendriers (European Commission Guidelines for Inclusive Communication).

J’en discutais avec une collègue l’autre jour qui est musulmane et qui me disait précisément ne pas tant être gênée par l’expression « Joyeux Noël » en soi mais plutôt par le fait qu’une partie de son entourage, notamment professionnel, partait du principe qu’elle le célébrait forcément, ce qui témoigne d’un manque d’ouverture et de connaissance de sa propre culture à elle.

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