ne me parlez pas d'égalité homme-femme

Je vous rassure, je n'ai pas viré masculiniste comme le reste du monde (j'exagère) (à peine). Je vous propose simplement une réflexion sur les termes du problème de l'égalité entre les femmes et les hommes : on parle ordre de mention, majuscule de prestige et Frédéric Beigbeder (cherchez l'intrus).

re·wor·l·ding
4 min ⋅ 07/03/2025

Le 8 mars est un jour critique. Au-delà de son message politique, c’est aussi un moment important pour se poser des questions liées au vocabulaire employé pour parler d’égalité : par exemple, quelle différence y a-t-il entre l’égalité femmes-hommes et l’égalité Homme-Femme ? Pourquoi ne pas parler d’égalité de genre ? Explications de texte à lire en 5 minutes, et si vous avez la flemme, vidéo récap en fin d’article.

8 mars, pour le meilleur et pour le pire

Comme on dirait en anglais, le 8 mars est à la fois « a blessing and a curse ». C’est-à-dire une bénédiction et une malédiction.

C’est un moment important parce qu’on a besoin, surtout dans le contexte politique réactionnaire actuel, de saisir chaque opportunité de dire, redire, manifester et célébrer la lutte pour les droits des femmes que cette journée signale.

Et cette journée n’est pas juste un coup d’épée dans l’eau : pour preuve, regardez ce graphique issu de Google Trends qui montre comment évoluent les recherches des internautes en France sur « l’égalité femmes-hommes », le « féminisme » ou « la mixité » sur les 5 dernières années.

On y observe distinctement des pics de recherches autour du 8 mars qui démontrent que les gens s’intéressent à ces sujets, cherchent à en savoir plus. Et ça, c’est positif.

Mais le 8 mars est aussi un moment très difficile, notamment pour les militant·es féministes, car cette date est (ou devrait être) une journée politique, pas une fête des femmes ou un marronnier promotionnel à la gloire des aspirateurs et autres crèmes anti-âges.

Tout est résumé dans ce post de Pépite sexiste qui n’a jamais peiné à renouveler chaque année sa galerie d’exemples.


Ce détournement permanent de l’essence du 8 mars est épuisant.

Et franchement, quand je vois la une que le Figaro Magazine choisit pour le 8 mars 2025, je ne suis pas seulement épuisée.

Je suis outrée et furieuse.

Dans un mouvement tout à fait symptomatique, à la fois du positionnement politique de ce journal, et du contexte politique qui libère de nouveau les paroles sexistes et masculinistes (que le Collectif Radi, Collectif radical des acteurices de la diversité et inclusion, dont je fais partie, analyse ici), cette une est représentative de la réaction misogyne au 8 Mars : assez parler des femmes, vous avez déjà bien progressé, maintenant pensons à nous les hommes qui ne pouvons plus importuner tranquille. Vous n’aurez pas notre visibilité en une des magazines, même pas aujourd’hui.

Le 8 mars n’est pas le jour de l’égalité Homme-Femme

J’ai déjà publié plusieurs articles et vidéos pédagogiques sur le vocabulaire autour du 8 mars qui démontrent pourquoi il est primordial de choisir les bons mots pour parler de cette journée.

Je vous fait cadeau d’un autre mème de Pépite sexiste :

Mais il y a une expression que je n’avais pas encore décortiqué, car elle me semblait très peu courante, voire désuète. Pourtant je l’ai lu hier en titre d’article sur France info : l’égalité hommes-femmes.

En recherchant les différentes formulations autour de l’égalité entre les femmes et les hommes, j’ai identifié 3 variables :

  • l’ordre des mots : égalité femmes-hommes ou hommes-femmes

  • le singulier ou le pluriel : égalité femmes-hommes ou femme-homme

  • une majuscule ou minuscule : égalité Femmes-Hommes ou femmes-hommes

Or, ces 3 variables ont chacune une importance quand on veut pratiquer un langage précis et inclusif.

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Par Alicia Birr

Un des éléments fondamentaux pour cultiver son regard critique sur les mots est de toujours avoir en tête où se situe celle ou celui qui écrit : notre âge, notre genre, notre passé, notre présent, nos conditions de vie influencent évidemment ce que nous ressentons, pensons et comment nous l’exprimons avec des mots (si même on parvient à l’exprimer, soit parce que l’on manque des mots pour le faire ou que l’on n’a pas d’espace où rendre publics, visibles ces mots).

Aussi, il me semble inconcevable de contribuer à cette vaste entreprise d’éducation par la déconstruction du langage sans dire où moi, je me situe.
Je suis une femme blanche, cisgenre, hétérosexuelle, en couple, mariée, mère de trois enfants, dans ma quarantaine, vivant à Paris, doublement diplômée dans des cursus dits prestigieux, ancienne cadre dans une entreprise multinationale, aujourd’hui indépendante, je suis privilégiée.
Je suis une femme qui a été témoin de violences sexistes depuis son enfance, qui a été harcelée, qu’un homme a tenté d’agresser dans le métro sans que personne n’intervienne, qu’on a traitée de conne en réunion, qui a subi des violences obstétricales.
Je suis une femme féministe, qui a milité dans une association LGBTQI+, qui a été hôtesse d’accueil à la Défense, qui a créé, dirigé puis fermé son entreprise, qui adore l’école, qui aime beaucoup parler en public et former les gens, qui coache d’autres femmes.

Récemment, j’ai réfléchi à la notion de syndrome d’imposture et j’ai décidé de bannir cette expression de mon vocabulaire. Il y a plein de raisons que je pourrais invoquer pour délégitimer ma position : que je ne suis pas linguiste ou que je n’ai jamais été créa dans une agence de com. Mais il y a quelques temps j’ai entendu Aurélien Barrau, astrophysicien et philosophe, parler de sa propre légitimité à s’exprimer sur les questions écologiques, dont il n’est a priori pas expert sur le papier. Aux critiques qui cherchent à déligitimer son discours, donc, il répond simplement : “Mais je m’en fous, je sais que ce que je dis est intéressant”. Et j’ai décidé que pour moi, c’est pareil.

J’ai même envie de dire que c’est parce que je ne suis pas linguiste que ce que j’écris est intéressant : parce que c’est ancré dans le concret de mon quotidien, parce que c’est dit avec des mots accessibles (en tout cas, j’espère). Et que c’est nourri par mes expériences personnelles et professionnelles : j’ai travaillé dans la musique, dans la mode, dans les médias, chez Google, en tant que coach, productrice évènementielle, j’ai travaillé avec des bouts de ficelles et des moyens dispendieux, je suis retournée deux fois me former pour compléter ma formation initiale en sciences politiques.

Aujourd’hui, tout ça s’articule, les points se relient, et je donne du sens à mon parcours sur le vaste terrain de jeu du langage inclusif avec re·wor·l·ding, qui se veut à la fois un espace pédagogique de création de contenu accessible à toutes et à tous, et un véhicule pour faire de la formation et du conseil en communication inclusive dans les entreprises, ainsi que du coaching en management et leadership inclusif.

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