Non, le sexe ne fait pas vendre. La preuve.

Cette affiche a-t-elle attiré votre attention ? Certainement. Elle a attiré la mienne. Est-ce que j'offrirai des sous-vêtements Calvin Klein à mon mari en espérant qu'il se transforme en Jeremy Allen White ? Certainement pas. Et apparemment, je ne suis pas la seule. Retour sur une croyance trompeuse de la pub : le sexe ferait vendre.

re·wor·l·ding
5 min ⋅ 25/04/2024

Il y a quelques mois, je suis passée devant cette pub dans la rue : une immense bâche recouvrant tout un immeuble de Paris où l’on voit l’acteur Jeremy Allen White, torse nu, ultra musclé, posant en sous-vêtement Calvin Klein. Peu de temps avant, j’étais restée en arrêt devant cette autre pub dans le métro où l’on voit cette fois l’acteur K.J. Apa, dans une pose autrement plus suggestive pour les sous-vêtements Lacoste. Si la pub Calvin Klein frappe par son format et évidemment son sujet, un homme qui incarne les canons de la virilité stéréotypique, elle ne m’a pas surprise plus que ça : sexualiser le corps est une pratique fréquente chez Calvin Klein, qui fait partie de l’ADN de la marque. En revanche, chez Lacoste, l’âge perçu de l’acteur (que personnellement je vois très jeune et qui est connu pour son rôle dans une série pour ados, Riverdale), le focus de l’image sur son sexe et sa posture jambes ouvertes m’ont mis mal à l’aise. Je n’avais pas envie d’être exposée à ça dans l’espace public.

Mais je l’ai été parce que dans le monde de la communication, il y a une idée très répandue et qui fait des ravages : il paraît que le sexe fait vendre. Le problème, c’est que ce n’est pas tout à fait vrai.

“Des études le prouvent” : le sexe ne fait pas vendre

J’ai décidé de creuser ce sujet avec une autre experte, Asli Ciyow, qui m’a ouvert les yeux sur les codes sexualisant des affiches de cinéma : elle a travaillé dans la production audiovisuelle et aujourd’hui elle est formatrice sur la question des violences sexistes et sexuelles. Elle analyse sur les réseaux sociaux (ici Instagram, là LinkedIn) les affiches de ciné (entre autres super contenus d’éducation féministe) pour donner à voir ce qu’on ne voit plus et qui paraît pourtant évident une fois qu’on nous l’a montré : pourquoi les femmes ont-elles toujours la bouche ouverte ou entre-ouverte ? Pourquoi sont-elles souvent dénudées quand les protagonistes masculins ne le sont pas ? Pourquoi les appelle-t-on par leur prénom (au mieux) là où les hommes ont droit à la visibilisation de leur patronyme ?

Toutes les deux, nous avons décidé de collaborer autour d’une série de posts qui explore la question de la diversité, des représentations et de l’inclusion dans la publicité et dans le cinéma. Notre premier post pose donc cette question brûlante : le sexe fait-il vraiment vendre ?

Je vous laisse découvrir le post en intégralité sur Instagram ou sur LinkedIn : vous y trouverez des illustrations issues de la pub et du ciné, des décryptages et aussi les bonnes questions à se poser quand on est face à une image qui sexualise des corps (de femmes surtout, mais d’hommes aussi).

Si vous travaillez dans la com ou dans le marketing, je vous encourage vivement à creuser le sujet des preuves qui démontrent la fragilité de cette croyance selon laquelle le sexe ferait vendre. Vous pouvez lire cet article de 2015 du blog de Libé Les 400 culs d’Agnès Giard (malheureusement plus alimenté aujourd’hui), qui reprend les conclusions d’un livre d’Esther Loubradou, La Pub enlève le bas – Sexualisation de la culture et séduction publicitaire (accessible gratuitement ici).

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Par Alicia Birr

Un des éléments fondamentaux pour cultiver son regard critique sur les mots est de toujours avoir en tête où se situe celle ou celui qui écrit : notre âge, notre genre, notre passé, notre présent, nos conditions de vie influencent évidemment ce que nous ressentons, pensons et comment nous l’exprimons avec des mots (si même on parvient à l’exprimer, soit parce que l’on manque des mots pour le faire ou que l’on n’a pas d’espace où rendre publics, visibles ces mots).

Aussi, il me semble inconcevable de contribuer à cette vaste entreprise d’éducation par la déconstruction du langage sans dire où moi, je me situe.
Je suis une femme blanche, cisgenre, hétérosexuelle, en couple, mariée, mère de trois enfants, dans ma quarantaine, vivant à Paris, doublement diplômée dans des cursus dits prestigieux, ancienne cadre dans une entreprise multinationale, aujourd’hui indépendante, je suis privilégiée.
Je suis une femme qui a été témoin de violences sexistes depuis son enfance, qui a été harcelée, qu’un homme a tenté d’agresser dans le métro sans que personne n’intervienne, qu’on a traitée de conne en réunion, qui a subi des violences obstétricales.
Je suis une femme féministe, qui a milité dans une association LGBTQI+, qui a été hôtesse d’accueil à la Défense, qui a créé, dirigé puis fermé son entreprise, qui adore l’école, qui aime beaucoup parler en public et former les gens, qui coache d’autres femmes.

Récemment, j’ai réfléchi à la notion de syndrome d’imposture et j’ai décidé de bannir cette expression de mon vocabulaire. Il y a plein de raisons que je pourrais invoquer pour délégitimer ma position : que je ne suis pas linguiste ou que je n’ai jamais été créa dans une agence de com. Mais il y a quelques temps j’ai entendu Aurélien Barrau, astrophysicien et philosophe, parler de sa propre légitimité à s’exprimer sur les questions écologiques, dont il n’est a priori pas expert sur le papier. Aux critiques qui cherchent à déligitimer son discours, donc, il répond simplement : “Mais je m’en fous, je sais que ce que je dis est intéressant”. Et j’ai décidé que pour moi, c’est pareil.

J’ai même envie de dire que c’est parce que je ne suis pas linguiste que ce que j’écris est intéressant : parce que c’est ancré dans le concret de mon quotidien, parce que c’est dit avec des mots accessibles (en tout cas, j’espère). Et que c’est nourri par mes expériences personnelles et professionnelles : j’ai travaillé dans la musique, dans la mode, dans les médias, chez Google, en tant que coach, productrice évènementielle, j’ai travaillé avec des bouts de ficelles et des moyens dispendieux, je suis retournée deux fois me former pour compléter ma formation initiale en sciences politiques.

Aujourd’hui, tout ça s’articule, les points se relient, et je donne du sens à mon parcours sur le vaste terrain de jeu du langage inclusif avec re·wor·l·ding, qui se veut à la fois un espace pédagogique de création de contenu accessible à toutes et à tous, et un véhicule pour faire de la formation et du conseil en communication inclusive dans les entreprises, ainsi que du coaching en management et leadership inclusif.

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